Au-dessus de nos têtes, une large bande de ciel bleu laisse place au soleil. De part et d’autre, de volumineux nuages blancs cadrent un décor de carte postale fait de montagnes noires, imposantes, soulignées par la blancheur du glacier, les séracs gris et bleus et de gros cumulus magnifiques. Le décor est superbe.

La Pointe de Mourti ferme la vallée côté Ouest. Il s’agit en fait de deux pointes, la principale s’élève à 3564 m d’altitude alors qu’un sommet secondaire, un peu plus à l’Ouest, lui est directement relié par une courte arête. Ces deux sommets forment une muraille verticale, partiellement enneigée, qui écrase de sa masse le glacier de Moiry. Notre intention première était, depuis le sommet principal, de parcourir la longue arête rocheuse qui relie la Dent des Rosses à 3549m, composant ainsi une belle course mixte, que complète magnifiquement l’approche par le glacier de Moiry à travers ses structures de neige en gâteau meringué. L’ascension se fait dans le rocher tout d’abord, quatre cents mètres d’une facile et plaisante varappe, magnifiquement aérienne, loin au-dessus du lac de Moiry. On retrouve ensuite la neige en prolongement de l’arête rocheuse, une longue bande qui s’élargit progressivement au fur et à mesure de la montée et forme alors la calotte sommitale. Le sommet réel n’est qu’un amas de rochers émergeants au-dessus de la neige, où une Vierge de bronze accueille et veille attentivement sur les visiteurs occasionnels.

Dans notre dos, venant du Sud par-dessus la crête des Alpes, une bande grisâtre, encore haute et lointaine, laisse penser que cette météo idyllique n’allait certainement plus tenir très longtemps. Aussi, plutôt que de se laisser prendre par l’orage sur une crête sans échappatoire, peut-être vaut-il mieux réduire un peu notre ambition et savoir nous contenter d’un seul sommet.

Dans la descente, les deux cordées progressent prudemment, choisissant avec soin l’itinéraire le plus proche du fil de l’arête, ne s’en éloignant que ponctuellement. La désescalade est aérienne, dominant du côté Nord le bas glacier de près de cinq cents mètres. Dans une sorte de chaos pentu, un empilement de gros rochers en escaliers, strié de bandes de sable morainique parsemées de pierres instables, une semelle racle le gravier. Elle pousse un peu une pierre, qui bouscule la plus proche qui glisse de quelque peu et bascule. Celle-ci est une grosse pierre, semblable à un bord de trottoir. Elle glisse, tombe, bascule, rebondit. Le film se vit au ralenti. « Attention, pierres ! ». Dessous, les corps se figent, les têtes se tournent. Les yeux scrutent l’espace au-dessus, repèrent la pierre. Chaque cerveau fait de la balistique, étudie le mouvement dans l‘espace, estime la trajectoire. Bertrand, qui est juste dans l’axe, fait un rapide mouvement de côté. Ça siffle à ses oreilles et la pierre s’écrase et s’immobilise quelques mètres plus bas. Lourd silence. Il faudra quelques instants jusqu’à que la progression puisse reprendre.

Attentive, la Vierge au sommet veille encore.