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Bien que nous ayons migré avec optimisme vers le Sud, la météo locale semble reprendre avec un manque d’imagination navrant les mêmes termes dépressionnaires de nos prévisionnistes suisses. Aussi, bien que traduit avec force couleurs et gestes par nos interprètes Christina, Armando et Francesco dans une interprétation digne de la Comedia del Arte: depressione fredda, nuova instabilità sui mari, possibili trombe marine,  force est de constater que notre enthousiasme risque d’être douché et que le soleil sera plus à trouver dans les verres qu’au-dessus de nos têtes.

Le Cinque Terre è una delle più belle aree mediterranee naturali della Liguria in un tratto costiero del levante lungo circa dieci chilometri caratterizzato dalla presenza di cinque antichi borghi Monterosse, Vernazza, Corniglia, Manaroli e Riomaggiore che si affacciano a picco sul mare. Isolate per natura dalle vie di comunicazioni principali hanno saputo mantenere inalterata la loro struttura urbanistica nei secoli e grazie alle caratteristiche geografiche del territorio dove sorgono, costituiscono una delle più attrattive località turistiche della Liguria ed ultimamente dell’Italia. Il territorio collinare naturalmente aspro ed accidentato è addolcito dalla costruzione di terrazzamenti che calano verso il mare con forti pendenze.

De la terrasse en nid d’aigle où se situe le couvent de nonnes que nous occupons, rejoindre le bord de mer représente déjà un bel effort. Pas tant pour les quelques cinq cents mètres de dénivelé que nous avalons assez rapidement, mais plutôt par l’attention constante que nécessite l’état du chemin de descente. Le chemin devait être totalement pavé de larges pierres plates, mais l’état d’origine a disparu depuis longtemps. Déformé par les passages et ruiné par le ruisselement, la pierraille s’est déplacée, les racines apparaissent ça et là, glissantes et piègeuses, et quelques tronçons de ciment complètent le tableau. Pour les plus fragiles d’entre-nous, l’arrivée sur le quai de Monterosso sera un réel soulagement, pour profiter d’un caffè nero sur une petite terrasse, mais aussi pour reposer les articulations meurtries. A ce moment de la journée, le ciel est encore abbastanza soleggiato, il mare è bellissimo e il caffè più che deliziosa, bien sûr.

Les villages des Cinque Terre ne se ralient rapidement que par le train; c’est donc ainsi que nous rejoignons le point de départ d’une belle randonnée de quelques heures. A Levanto, les surfeurs en combinaisons de néoprène sont couchés sur leur planche, à patauger dans le ressac à l’image de Brice de Nice en attendant patiemment l’arrivée de la vague parfaite pour réaliser le run de leur vie. Au bout de la promenade, on emprunte les marches qui mènent vers le château où commence alors le sentier panoramique qui traverse des champs de vignes et d’oliviers. On croise quelques figuiers dont les fruits pas encore murs désolent Christina et Raimonda. Une mignonne petite maison de style hippie, dont la magnifique décoration d’assemblage de faience cassée rappelle les décorations d’Antoni Gaudi, nous retient quelques instants. Elle offre la vue sur ses petites terrasses en demi-niveau avec une vue imprenable sur le coteau verdoyant et la mer. En montant, progressivement les champs cultivés et les gîtes laissent place à la garrigue méditerranéenne puis à la pinède. Le sentier est alors une alternance de passages ombragés sous les pins qui surplombent la mer et de chemins rocailleux et ensoleillés. On visite en passant une ferme foraine en réfection dans le cadre d’un projet de réhabilitation des paysages agricoles traditionnels. Le sentier mène à la Punta Mesco où se trouvent les ruines de l’Hermitage San Antonio, ainsi qu’un ancien sémaphore. La vue de la punta Mesco est extraordinaire avec les cinq villages alignés sur la côte découpée, Monterosso, Vernazza, Corniglia, Manarola et Riomaggiore s’offrent à la vue sous un ciel bleu et dégagé. De là, une descente rude et rapide, faite de hautes marches, permet de perdre rapidement de l’altitude et de rejoindre Monterosso.

Il arrive parfois dans nos randonnées qu’au détour d’un sentier on tombe en arrêt devant une petite étendue d’eau, lisse comme un miroir, où l’air étouffant d’une belle journée d’été nous pousse à la baignade. Alors, malgré la fraicheur de l’eau, on s’y glisse lentement en frissonnant, creusant le ventre, levant les bras, retardant jusqu’à la dernière seconde le moment fatidique de la mise à l’eau complète. Mais aujourd’hui, la vision est tout autre. L’étendue d’eau devant nous, infinie, couvre jusqu’à l’horizon, si loin, que même le ciel semble s’y noyer et la large bande de sable qui descend vers le ressac bruyant est comme un tapis déroulé, doux et épais. Irrésistiblement, on se précipite, on se jette à l’eau, on se laisse emporter par la vague puissante. Le vent de ces derniers jours a creusé les vagues, qui s’écrasent sur la belle plage. Lumineuses, les belles Italiennes en tenue de bain s’abreuvent de soleil dans des postures lascives alors que les bellâtres arpentent le sable du rivage dans des airs avantageux. Aux terrasses, à l’abri des parasols, les touristes en shorts et débardeurs sirotent bières et Prosecco protégés des quelques gouttes facétieuses que libèrent d’imposants nuages noirs. Fellini pourrait revenir tourner la Dolce Vita, le cadre est posé.

Par la porte, restée ouverte, de l’église qui jouxte les bâtiments du couvent, une belle mélodie d’orgue s’échappe et engage à rejoindre le lieu saint. L’organiste, un homme encore jeune, en vêtements civils et à la tonsure romaine, joue avec ferveur aussi bien des œuvres sacrées que des tubes des seventies. La musique emplit magnifiquement l’espace vieillot aux fresques défraichies, nous retenant quelques instants dans une sorte de recueillement. Après le fracas du tonnerre, le battement de la pluie et les puissants coups de vent de la nuit, la douce mélodie dissipe la tension accumulée, calme les dieux animistes et semble ramener un peu de sérénité dans le chaos du ciel.

Le bus et le train vont nous permettre de rejoindre le village de la limite Est des Cinque Terre. A l’arrière du village de Riomaggiore, un petit sentier file droit dans le petit vallon verdoyant, longeant le ruisseau, bordé d’un haut mur de pierres sèches, pavé de grosses pierres lissées par les nombreux passages. On grimpe dans la verdure jusqu’à atteindre une sorte de signal, un promontoire qui domine le village et la mer et, après un dernier regard, on lui tourne le dos et on s’enfonce dans une profonde forêt de crête. Le brouillard traine maintenant par nappes, donnant à l’air une lourdeur et une senteur de terre humide. Bien que pas très haute, la canopée se ferme complètement au-dessus de nos têtes nous donnant, dans cette moiteur particulière, une impression de forêt exotique que Lorenzo renforce de cris de singe, de craquements de perroquet, de jacassements et autres roucoulements aussi réalistes qu’inquiétants. Alors, comme pour parfaire le tableau, une petite goutte, puis deux, de plus en plus grosses s’écrasent près de nous. En quelques minutes, la pluie est devenue tropicale, le sentier ruisselle et, malgré nos protections, nous nous retrouvons trempés jusqu’aux os. En deux temps, la pluie abondante douchera nos ardeurs et notre joyeuse humeur, sans réussir à nous faire fléchir. Il faut dire aussi, qu’au milieu de la forêt, il n’y a aucune échappatoire autre que d’en sortir et de rallier Porto Venere, un charmant petit bourg ancien au port fortifié, un peu comme La Tour-de-Peilz sur Mer.

Acqua, acqua in ogni dove E non una goccia da bere.

(Samuel Taylor Coleridge)