A l’inverse du weekend initialement programmé, qui a vu des précipitations intenses se déverser sur les Alpes et la Romandie, entraînant le report de notre course, la météo du weekend arrivant s’annonçait stable et sereine. Le ciel et la température printanière exaltait donc l’enthousiasme des amis montagnards réunis sur le parking du rendez-vous à La Tour. Nous nous retrouvions à cinq pour rejoindre Panossière.

Fionnay, petit village lové au font du Val de Bagnes n’étant pas une destination des plus connues, le deuxième véhicule de notre petite expédition s’est un peu égaré avant de finalement retrouver le bon chemin. C’est donc en fin de matinée que nous avons attaqué la raide et tourmentée montée du Reposieu pour le point de bascule vers le vallon de Corbassière. Passé ce point, nous retrouvons le plein soleil pour un court plongeon, dans un gymkhana chaotique entre rochers lisses et à travers de courtes zones dégarnies de neige. De là, la progression est plus classique. Suivant le cours de la rivière, la trace s’enfile dans une étroite gorge rocheuse, écrasée par la masse dominante de la Becca de Sery. La faible couche de neige percée de quelques gigantesques marmites découvre déjà le courant d’eau à quelques mètre de nos pas. Au sortir de la gorge, on atteint le glacier, visible sous la forme de larges cassures bleues, béantes bouches de glace qui déversent la fonte. Devant nous, la pente s’affaiblit à ne devenir qu’un interminable faux plat, qui vient buter au loin contre la muraille formée par le Tournelon Blanc et le Grand Combin. La cabane n’est pas encore visible, il nous faut progresser encore un peu avant de l’apercevoir, perchée à notre gauche sur la moraine, faisant face à l’impressionnant couloir du Glacier des Follats qui dévale du Petit Combin et du Combin de Corbassière. Par une longue et douce courbe, on atteint alors la cabane. A demi-pleine, c’est donc dans un confort appréciable que nous avons pu nous y ressourcés.

La cabane FXB de Panossière est le cinquième refuge construit à Panossière. La premier abri fut construit sous un pan de rocher en 1881, puis en 1893 un refuge en bois est bâti En 1969 une cabane en pierre est construite, elle sera détruite par une avalanche en 1988. Remplacée par un refuge provisoire, il fera place en 1996 à la cabane actuelle, moderne, bâtie grâce au soutien de la Fondation François Xavier Bagnoud.

Au matin, nous sommes les derniers à quitter la cabane. Dans le jour naissant, devant nous au loin les premières cordées sont déjà engagées sur le Glacier de Corbassière ou d’autres sur la gauche, se glissant sous les faces noires à destination du Tournelon Blanc. Bien que le gardien n’ait pas donné de consignes particulières, chaque groupe s’encorde pour la longue remontée du Glacier de Corbassière. La lumière blafarde atténue le relief et nos regards interrogateurs peinent à identifier la descente du Glacier des Follats, qui d’en-bas paraît hors de portée. Passé le coude du Combin de Corbassière, qu’il faut contourner complètement, notre regard est plus attiré par l’immense masse du Grand Combin. Là encore, nos regards interrogent la pente et jaugent les difficultés. D’ici, le cheminement apparaît très complexe et quelques ressauts quasi infranchissables. Au coude suivant, le col d’accès aux autres Combin apparaît enfin, bien loin encore cependant. Persévérant néanmoins, nous atteignons le pied de la crête et déchaussons pour quelques dizaines de mètres de portage pour déboucher à 3563m. Devant nous, deux itinéraires se présentent. Le premier vers le Combin de Corbassieres, long encore et éprouvant, pour lequel nous jugeons que le temps nous manque. Le second que nous choisissons, une longue combe arquée de neige mène à la crête ronde sommitale du Petit Combin.

Bien que le Petit Combin soit un point d’atterrissage, aucun skieur n’y a été déposé aujourd’hui. Seul un hélicoptère se pose à l’instant où nous atteignons le sommet, libérant pour quelques minutes un sympathique couple cannois venu jouir du paysage enneigé. Nous leur ferons jouer les alpinistes chevronnés, le temps de quelques photos avec corde et piolet sur fond de Grand Combin. Un vrombissement plus tard, l’immensité silencieuse nous était rendue.

La plongée par l’inquiétant Glacier des Follats devrait rester comme un moment d’anthologie pour chacun. Suivant les traces des cordées nous ayant précédé, nous tracions une poudreuse dense et profonde, sur une large pente, moyenne tout d’abord, se resserrant et s’accentuant progressivement et de plus en plus, jusqu’à nous forcer dans d’étroits couloirs très raides. D’un tracé sur la droite, nous basculons vers le centre du glacier pour franchir une zone de séracs en quinconce et revenons sur la droite pour terminer cette extraordinaire descente sur des pentes adoucies et une neige s’amollissant dans la chaleur de l’après-midi. Les conditions de neige profonde, bien stabilisée, ont rendu le passage aisé, à l’inverse d’une couche dure et glacée. Nous faisons face à la cabane, à notre hauteur, juste de l’autre côté du glacier. De là, nous traçons de larges virages doux dans la neige molle et collante, enfilons la combe aux marmites pour atteindre le fond du vallon. La remontée sur la crête sera plus rapide et moins éprouvante qu’envisagée, avant qu’une dernière glissade dans le chaotique dédale du Reposieux dominant Fionnay ne nous conduise en dilettante autour d’une table de l’accueillant hôtel de Jean-Michel Fellay.

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