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Enchâssé dans le cirque formé par les Dents du Midi et la Tour de Sallière, six cents mètres au-dessus du vallon de Van, le lac artificiel de Salanfe se rejoint, par un chemin raide et caillouteux qui sinue dans la pierraille des dévaloirs, entre les hautes parois de granit sombre et les mélèzes épars, jusqu’à atteindre la couronne du barrage. Depuis la rive du Rhône déjà, on ressent l’étrange sensation d’apesanteur de ce décor vertical, fait de masses noires lisses d’un côté et d’abîmes étroits et profonds de l’autre. Dans cet environnement abrupt, il faut porter haut le regard pour accrocher la lumière et découvrir un coin du ciel. Ça laisse l’impression d’évoluer dans un décor fantastique dessiné par Schuiten, auquel il ne manquerait que des elfes, des follets et des vouivres pour devenir réalité.

Pour notre randonnée familiale d’octobre, Julien avait choisi cette région proche de notre base lémanique, permettant ainsi à chacun de participer. Néanmoins, ce n’est qu’un tout petit groupe, qui s’est créé un intermède ensoleillé entre deux périodes d’averses, allant à la rencontre des couleurs de l’automne, du ciel bleu immaculé et des premières taches de neige. Alors, on sort en famille, on s’aère les poumons et l’esprit, on regarde la nature et l’automne qui s’installe. On prend son temps, on vise l’horizon et les crêtes où l’on cherche à reconnaître les montagnes par leur profil ou leur positionnement ; le Weisshorn sur la gauche au loin, le Mont Fort et la Rosa Blanche droit devant. On partage ce plaisir d’être ensemble en commentant les courses passées et évoquant des projets plus lointain. Même le petit Sylvain en est, bien qu’on peine encore à déchiffrer ses gazouillements.

La montée vers le lac ne dure guère et s’avale facilement d’une traite. L’arrivée à la couronne du barrage marque un changement radical avec les espaces étroits et verticaux qui prévalaient alors. Le cirque montagneux borde un large espace ouvert qui ne présente que les échancrures des cols de Susanfe, en face, et de celui d’Emaney, à notre gauche. Le col de la Golette, que nous ne pouvons que deviner, est derrière nous, masqué par la crête des Petits Perrons. On se souvient d’autres randonnées dans la région, à pieds ou à skis, et des évènements qui nous ont parfois fait rentrer de nuit, fouillant l’obscurité profonde à la frontale à la recherche de traces de passage. On nomme les sommets proches, la Tour de Sallière en face et chacune des Dents du Midi, la Haute Cime, la Forteresse, la Cathédrale, l’Eperon, la Dent Jaune, les Doigts et la Haute Cime. A force de les voir depuis le chalet de Billens ou les rives vaudoises du Léman, faudrait quand même qu’on pense sérieusement à y faire un saut, une fois. Chacun s’installe dans un confort plutôt inhabituel en montagne ; ici le gazon tendre remplace le granit râpeux des hautes arêtes. Le soleil est doux, sans même une brise pour nous faire frissonner; c’est à peine si le miroir du lac se zèbre de quelques risées.

Le retour sera de la même veine. On se hâte lentement ; y a pas de feu au lac. Mais d’ici deux semaines, les couronnes des mélèzes, qui glissent maintenant vers le jaune, seront certainement flamboyantes. Certains d’entre nous, pour changer un peu d’ambiance, choisissent d’emprunter le sentier qui joue à saute-falaise sur la gauche du chemin. Presque entièrement aménagé en escaliers, faits de traverses de bois, d’empilements de pierres plates ou de caillebotis métalliques, il plonge en douceur, serpente à l’ombre des arbres, comme un skieur dans la poudreuse, se faufilant dans les failles étroites jusqu’au pied de la paroi. Ça descend si vite, que l’on est tout surpris de déjà atteindre le fond.

Faudrait vraiment qu’on pense à y revenir, une fois.

 

Un peu d’histoire

Les Dents du Midi sont un chaînon montagneux de trois kilomètres de long, situé dans le Chablais valaisan. Dominant le Val d’Illiez et la vallée du Rhône au sud, elles font face au lac de Salanfe, une retenue artificielle, et font partie de l’ensemble géologique du massif du Giffre. La dénomination de Dents du Midi est récente, les habitants les appelaient auparavant Dents de Tsallen. Ce n’est que vers la fin du siècle dernier que le nom actuel s’est imposé.

Plusieurs ruptures dans le massif changèrent la forme des dents si bien que les noms s’adaptèrent en fonction de l’évolution géologique. Ainsi, on suppose que l’Éperon comportait deux sommets mais qu’un éboulement au Moyen Âge changea de manière significative sa crête.

Le matin du 30 octobre 2006, un volume de 1 million de m3 de roches s’est détaché du flanc de la Haute Cime et a dévalé le versant jusqu’à une altitude d’environ 3 000 m. L’évènement n’a pas présenté de danger pour le proche village de Val d’Illiez mais des routes et des sentiers ont été fermés par mesure de sécurité. Selon le géologue cantonal, l’éboulement a été provoqué par le dégel des roches, lui-même favorisé par les étés chauds des dernières années.

 

Chaque dent eut plusieurs noms au cours des siècles.

La cime de l’Est s’appelait mont de Novierre avant le milieu du 17ème siècle, puis mont Saint-Michel après des éboulements en 1635 et 1636 et finalement dent Noire, jusqu’au 19ème siècle.

La dent Jaune s’appelait la dent Rouge encore en 1879.

Le doigt de Champéry (1882) puis le doigt de Salanfe (1886) se transformèrent en Doigts.

La Haute Cime eut également plusieurs noms : dent de l’Ouest (1784), dent du Midi, dent de Tsallen et dent de Challent.

 

Premières ascensions :

Haute Cime, 1784, par Jean-Maurice Clément, vicaire
Cime de l’Est, 1842 par Nicolas, Elonore Mottier et 4 autres personnes
Forteresse, 1870, par E. Javelle et J. Oberhauser
Dent Jaune, 1879, par Maurice Wirz, De Trey et leurs guides
Cathédrale, 1881, par Aug. Wagnon, Ed. Joccottet et leur guide
Eperon, 1892, par P. Janin et ses guides
Doigt de Salanfe, 1886, par Aug. Wagnon, P, Beaumont et leurs guides
Doigt de Champéry, 1892, par R. de Breugel et ses guides

Source Wikipedia.org