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La lumière matinale au bord du lac de Neuchâtel laissait présager d’une météo exceptionnelle pour ce dimanche d’octobre. Rasante, elle enflamme le coteau d’Auvernier sur fond de ciel bleu pâle. Il règne un calme d’une douceur inhabituelle. La route, presque sans circulation, ondule doucement à travers les bois flamboyant dans leurs couleurs automnales et quelques diagonales de lumière traversent les rideaux d’arbres sur fond de brumes traînantes, contribuant à créer une atmosphère bucolique. Passé le village de Rocherfort, les parois qui bordent la rivière se resserrent et se redressent brusquement, formant un défilé étroit, au sortir duquel on plonge sur Noiraigue, dans une brume froide. Le soleil montant la dissipera peu après.

Pour rendre la randonnée accessible aux enfants, les véhicules sont  abandonnés au niveau du Plan, au-dessus de Noiraigue. L’itinéraire choisit nous permet ainsi de réaliser une boucle, en montant par le sentier des quatorze virages et redescendant, à l’autre bout du cirque, par celui du Single vers la Fontaine Froide et la Ferme Robert. La terre tendre et humide, les pierres de calcaire lisses et les racines mouillées rendent le sentier très glissant. Notre progression est donc prudente, chaque pas posé avec un maximum d’attention, laissant peu de temps, sinon brièvement lors de quelques arrêts, pour admirer l’environnement sylvestre, les villages en contre-bas et l’alignement des vallons au loin. Plus haut la forêt débouche à la limite de la ligne de rupture du Creux du Van. D’un coup, tout s’ouvre. Le regard ne butte plus sur la pente quelques mètres devant, mais s’égare dans l’horizon immense et lumineux. Mieux vaut prendre le temps de se poser quelques instants, de reprendre son souffle et réaliser ce brusque changement, plutôt que de pousser quelques pas de plus, de trop, les yeux fixés au loin, les pieds à deux doigts de l’abîme.

Le Creux-du-Van est un cirque rocheux d’environ 1 400 mètres de large pour 200 mètres de hauteur. La formation du Creux-du-Van est liée à l’érosion progressive de la charnière fracturée de l’anticlinal du Soliat, un pli convexe dont le centre est occupé par des couches géologiques plus anciennes. L’érosion due au ruissellement a commencé à fracturer les roches, par dissolution des calcaires, avant l’arrivée des glaciers quaternaires. Au cours de la dernière glaciation, l’extrémité de la combe recelait un petit glacier comparable aux glaciers alpins actuels. L’alternance du gel et dégel a favorisé une intense érosion et la formation du cirque actuel. Les débris calcaires évacués vers l’aval forme la moraine qui s’étale au pied du cirque et obstrue une partie de la vallée de l’Areuse. La falaise en demi-cercle est composée de calcaires du Kimméridgien, 150 millions d’années avant notre ère. Un des attraits du Creux-du-Van est la présence de bouquetins, introduits par l’homme en 1965, actuellement au nombre de 17. Peu farouches et facilement approchables, nous les avons vus, indolents, brouter à quelques mètres du sentier. La réserve du Creux-du-Van constitue également le biotope de nombreuses autres espèces, chamois, chevreuils et plusieurs hardes de sangliers y séjournent durant les mois d’hiver. (source Wykipedia).

Un rien en retrait de l’à-pic, une croix marque le point haut du lieu, à 1463m. Sous ce symbole de ralliement et de méditation, une petite foule s’est réunie et regarde incrédule et émerveillée les sommets et glaciers des Alpes que nous parcourons au long des saisons. Plus proches et imposantes, les grandes faces Nord de l’Eiger, du Mönch et de la Jungfrau dominent les innombrables autres sommets. On devine le Weisshorn et reconnait le Grand Combin, le massif de Trient, les Dents du Midi et plus à l’Ouest encore le Mont Blanc.

Le trajet de descente retrouve la forêt et un sentier du Single très glissant. Le mouvement vers l’aval n’aide guère à faciliter la position debout et quelques grandes marches en pierres lisses, mêlées de racines luisantes offrent autant d’adhérence qu’une peau de banane sur du marbre poli. Pourtant, chacun très à son affaire, on passe sans trop de peine, déhanchements disgracieux. C’est un peu plus bas que la traitrise tendra son piège. Le raccourci plonge sur la droite où la surface de gros gravier jaune semble favorable. Un pas, deux peut-être et zipp, voilà qu’elle déguille. Un pied part en avant, le corps en arrière et aïe, la tête heurte le petit muret. Par chance, plus de peur que de mal ; les esprits seront vite retrouvés. Malheureusement, quelques centaines de mètres plus loin, au lieu dit Fontaine Froide, alors que nous espérions pouvoir nous remettre de nos émotions, la bouteille de Fée Verte est vide. Il est une tradition au Val de Travers qui fait qu’auprès de quelques fontaines publiques, discrètement posée à l’écart de trop de regards, comme égarées, presque ignorées, une bouteille d’absinthe attend le passant amateur d’anisette. Chacun se sert et verse son obole dans la petite caissette métallique. Pour nous, hélas, seule la fontaine pouvait encore nous désaltérer. Cependant, ce n’est que partie remise. Nous disposons en effet de notre propre fontaine, elle aussi lovée à l’abri des regards curieux dans un endroit charmant. Et trouver une bouteille d’absinthe pour en troubler son eau ne saurait poser trop de difficultés. Qué ?

C’est donc sobres et vaillants que nous arpentons les dernières lieues de cette magnifique randonnée. La ferme Robert n’étant plus très loin et Noiraigue à peine plus loin, en dessous.
Ma fois, bien jolie cette petite sortie chez les Britchons.

Quand automne en saison revient

Quand automne en saison revient,
La forêt met sa robe rousse
Et les glands tombent sur la mousse
Où dansent en rond les lapins.

Les souris font de grands festins
Pendant que les champignons poussent.
Ah ! que la vie est douce, douce
Quand automne en saison revient.

SAMIVEL (1907-1992)

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