Chaque année, à l’entrée de l’hiver, alors que chacun se réjouit déjà des courbes qu’il va tracer dans la neige profonde et vierge, une inquiétude sourde, un questionnement intérieur s’installe en parallèle. Quid des avalanches ? Saurais-je détecter les signes et éviter les pièges ? Comment comprendre les bulletins et les cartes pour anticiper les risques ? Quels sont les gestes justes pour agir vite et efficacement quand un skieur se fait emporter ? Pour appréhender au mieux nos courses hivernales et tenter de bien lire et interpréter le manteau neigeux, l’étude des guides, la confrontation des points de vue et les exercices sont nécessaires pour quiconque s’apprête à parcourir la montagne. Aussi, début janvier, alors que la couche de neige est encore insuffisante pour bien recouvrir les pierriers d’altitude et que seuls les alpages des Préalpes offrent des conditions favorables pour nos premières traces, notre chalet de Billens et les crêtes du vallon d’Orgevaux sont alors le terrain de jeux et d’accueil idéal pour l’initiation et l’entraînement.

Dans le confort chaleureux de notre vieux chalet, penchés sur les cartes, un œil rivé sur le smartphone connecté au bulletin des avalanches, nous avons simulé des préparatifs de course, à la recherche de l’itinéraire le plus approprié. Les pentes supérieures à 30 degrés dominant les tracés envisagés ont été identifiées et dans la mesure du possible, notre choix s’est porté sur les crêtes plutôt que sur les fonds des vallons ou les flancs exposés aux risques de coulées venant du dessus.Les prévisions météo annoncées ont été combinées aux précipitations récentes et le vent ou de possibles accumulations ou corniches ont encore été considérés. En outre une observation attentive de l’environnement proche et visible donne également des informations utiles, si de récentes coulées ou avalanches sont visibles.

En parallèle à ces investigations, nous effectuons un travail de recherche d’appareils émetteurs dissimulés dans la neige. Selon les statistiques, seulement une personne sur deux complètement ensevelies survit, principalement en raison de l’étouffement dû à l’espace réduit ou inexistant nécessaire pour respirer. Après 15 minutes déjà, la chance de survie d’une personne ensevelie se réduit considérablement, aussi, la détection d’une personne enfouie et sa libération rapide par ses compagnons de randonnée sont fondamentales. Muni de son détecteur, de sa pelle et d’une sonde, chacun s’en est allé à la recherche d’un signal. De ténu et lointain, celui-ci s’est progressivement intensifié et rapproché, au fur et à mesure de la progression du sauveteur, attentif à la l’écoute du signal et concentré sur les indications de l’appareil. A la position la plus proche de la victime enfouie, la sonde est engagée en sondant la zone par un piquage elliptique jusqu’à toucher une partie du corps recherché. La sonde est alors maintenue en place comme repère de base, et le pelletage, énergique et rapide, peut commencer. Dégageant la neige en « V » depuis la sonde, les pelleteurs s’appliquent à atteindre rapidement la partie touchée par la sonde et à dégager le corps dans un but d’efficacité ; dessous, il y a quelqu’un qui attend impatiemment une bouffée d’air frais.

Dimanche, le ciel s’est bien dégagé. D’un beau bleu pastel, encore animé de quelques gros nuages, il est une réelle invitation à entreprendre une sortie et à effectuer quelques observations de circonstance. La mesure de déclivité de la pente avec les bâtons formant un triangle équilatéral amène quelques remarques. Les bâtons permettent de réaliser un triangle régulier, équilatéral, dont chacun des angles intérieurs est de 30 degrés. On place un bâton sur le sol dans le sens de la pente en marquant son empreinte dans la neige, rondelle en haut, poignée en bas. Le bâton est ensuite redressé en le faisant pivoter au niveau de son empreinte. Avec le deuxième bâton, on effectue un mouvement de pendule pour le placer à la verticale comme un fil à plomb. Si la pointe du deuxième bâton atteint l’extrémité basse de l’empreinte, la pente est de 30° (triangle équilatéral). Si la pointe du bâton dépasse l’empreinte de 10 cm, il faut ajouter 3° ou de 6° si la pointe dépasse de 20 cm. A l’inverse, si la pointe du bâton se situe 10 cm en amont de l’empreinte, il faut retrancher 3°, la pente fait alors 27°.

Chevauchant entre lac et montagne la crête du Folly, on observe qu’au loin la raide pente Ouest de la Cape au Moine n’est pas descendue, alors que sur le flanc du Vanil des Artses un court glissement laisse apparaître l’herbe. Le manteau neigeux est frais, principalement composé des chutes de neige de ces tout derniers jours. La pluie, les hautes températures et le foehn avaient ruiné tout espoir de belles conditions. Au chalet, le weekend précédent, il ne restait plus rien. Aussi, c’est avec un plaisir certain que nous avons chaussé nos skis pour tenter cette maigre couche, qui allait finalement s’avérer plutôt bonne, suffisamment profonde et très peu tracée. Une opportunité éphémère que la température douce ne gardera pas en l’état bien longtemps.

Alors que derrière nous une large mer de brouillard recouvre la plaine et le lac, notre progression s’enchaîne en douceur. Brève halte au Folly, le temps d’un message dans le livre du sommet, avant de tracer quelques belles courbes dans une neige étonnamment douce. Au Molard, nous adressons une pensée compatissante aux citadins noyés dans la moiteur froide et blafarde avant de plonger sur Chessy en signant le champ de S qui disent notre bonheur. Remontés au refuge en rondins sur la crête, on se restaure rapidement dans une atmosphère rustique qui hume bon la fondue, et puis hop, on rechausse et on plonge dans la pente raide droit devant, évitant les vernes et les souches trop peu couvertes.

En bons Vaudois, plutôt déçus en bien !

 

Avalanches, la bonne attitude :
Etudier le bulletin des avalanches
Examiner localement l’état du manteau dans les pentes raides
Contourner les passages dangereux, au besoin renoncer
Passer au-dessus des zones tendues
Se protéger avant de s’engager dans un secteur à risques
Décrocher les lanières, dégager les dragonnes et les sangles des sacs
Ne s’engager qu’un à un, les camarades observent de leur abri
Traverser rapidement, éviter de chuter, rejoindre un abri
En cas de déclenchement, suivre la victime, repérer l’endroit de disparition
Préparer l’intervention à l’abri ; commuter les DVAs sur recherche
Se répartir les zones de recherche, regarder, écouter
Laisser en évidence les objets trouvés (sac, bâtons, ski)
Se rapprocher de la victime en suivant le signal du DVA
Sonder en ellipse autour du point proche ; toucher et laisser la sonde
Creuser en V derrière la sonde ; dégager les voies respiratoires, puis le corps
Se mettre à l’abri et porter les soins
Organiser le sauvetage

 

Le ski

Un garçon glissant sur ses skis

Disait : « Ah ! Le ski, c’est exquis,
Je me demande bien ce qui
Est plus commode que le ski. »

Comme il filait à toute allure,
Un rocher se dressa soudain.

Ce fut la fin de l’aventure.
Il s’écria, plein de dédain :
« Vraiment, je ne suis pas conquis,
Je n’ai bu ni vin, ni whisky
Et cependant, je perds mes skis.

Non, le ski, ce n’est pas exquis. »

Lorsqu’une chose nous dérange,

Notre avis change.

Pierre Gamarra (1970)

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