Posée à côté du restaurant, bordant le petit parking, la Pierre du Moëllé est un gros rocher large, incongru, comme tombé du ciel juste au niveau du col, ou posé là par Gulliver, ou peut-être encore était-ce un Ork vert monstrueux et musculeux qui se serait fossilisé là, terrassé par le manque d’oxygène et séché par la chaleur estivale intense. A vrai dire, cette pensée n’est ni hasardeuse, ni éloignée de la réalité du moment. A cet instant de la journée, le col est écrasé par un soleil de plomb qui semble repousser les rares atomes d’oxygène loin au-delà des crêtes, là où l’ombre des parasols accueille des formes alanguies et ambrées et où la fraicheur de la bière condense l’air humide qui s’écoule lentement sur l’extérieur des verres.
On atteint le col de la Pierre du Moëllé en quittant la route du col des Mosses juste après Le Sepey. Peu visible dans une épingle à droite, sinon par le marquage des panneaux jaunes du tourisme pédestre, une étroite route d’alpage s’élève au-dessus du village, jusqu’à atteindre le col de la Pierre du Moëllé. De là, un petit chemin pierreux s’élève derrière le restaurant à travers le pâturage et franchit la bosse de crête pour atteindre une bâtisse de bois, une grange isolée posée sur un replat. Juste à côté naît une étrange bordure rocheuse qui sort de terre et s’élève lentement, formant une longue falaise presque verticale d’une dizaine de mètres de haut. C’est un long mur irrégulier, parcouru de fissures, de cassures et de goulottes, sur lequel s’accrochent, s’agrippent, se hissent de gros insectes colorés et casqués le long de leurs fils de Nylon. Le site de grimpe de la Pierre du Moëllé est vaste, confortable et plaisant, si ce n’est l’absence totale d’ombre. Aussi, en plus du matériel de grimpe, il n’est pas superflu de se munir d’un large chapeau léger et d’une réserve suffisante de boissons, sans alcool de préférence, puisque l’indispensable bière fraîche peut être consommée au retour au petit restaurant du col.
Chouette, située entre la Tour de Famelon et la Pierre du Moëllé, est l’un des rares secteurs de la région qui se prête aussi bien pour s’initier à l’escalade, y compris celle en tête, avec des voies protégées par des spits rapprochés. Le rocher calcaire est excellent et rugueux, posé dans un cadre exceptionnel. Les noms des voies, plutôt rigolos, sont écrits sur la pierre au départ. A Trouille, Gaz, Tic, Tac et j’en passe, coté à 6 et plus, on a préféré une nature plus chantante, Oisillon, Hulotte et une ascension plus pragmatique Echelle. Mais, faute de temps, on a laissé au Nid, Grand Duc, Grand corbeau, Choucas et Poulet (faute de frites …).
Le site de la Pierre du Moëllé est bien adapté à l’escalade des débutants et des enfants. Le site est composé de cinq secteurs ; Rochers de la Latte, Chouette, Chien qui dort, Grande cannelures et Grande évasion. Le pied des voies est bien aménagé. Si l’on excepte le tout petit Sylvain, qui gambade du haut de ses dix-sept mois, découvre l’espace alentours sur ses petites jambes et affronte quelques gros cailloux avec une volonté remarquable, Ellowenne, la plus jeune d’entre nous, s’accroche à la paroi, grimpe avec aisance et élégance. Prenant des postures dignes d’une danseuse classique, elle s’élève apparemment sans difficulté, descend en rappel, sautille contre le rocher le dos au vide, puis en redemande, et remonte, encore et encore, infatigable. Et Kalista aussi n’est pas en reste ; agile et athlétique, elle aligne les longueurs avec rapidité et aisance, si facilement, que l’observateur-assureur en retient quand même une once de jalousie. Ah, belle jeunesse …
Magnifique !
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