Le plateau des Martinaux, où est implanté le chalet du ski club de Lavey, est un véritable balcon sur le Léman et sur le Chablais valaisan. On monte là-haut par une incroyable succession de virages de la petite route qui rallie Lavey à Morcles tout d’abord, en vingt-neuf épingles à cheveux d’une route étroite et raide. Puis, quelques centaines de mètres après Morcles, la route évite par une courbe à droite le grillage du fort militaire et repart pour une quinzaine d’autres épingles, jusqu’au parking du petit ski-lift. Il y a largement de quoi donner le tournis aux plus aguerris des conducteurs. Des Martinaux, le chemin devenu caillouteux monte encore un peu, passe devant les chalets d’alpage, pour atteindre le haut de la piste de ski et, après encore quelques courbes serrées, nous mène butter devant une barrière fermée. On est déjà à 1700m d’altitude. De l’autre côté de la vallée, la Cime de l’Est, avec sa fière allure de « petit Cervin », nous parait à peine plus haute.

Loin au-dessus de nous, on aperçoit l’angle du toit de la cabane de la Tourche. Perchée sur la crête herbeuse qui relie La Croix de Javerne à la Pointe des Martinets, la cabane reconstruite en 2011 se fond dans l’environnement. Elle laisse penser que l’architecte a voulu rappeler son origine militaire en lui donnant un air martial, par des lignes rigoureuses et fonctionnelles, ainsi qu’une apparence sobre et peu visible par une couleur terne gris-vert pâle. La cabane de la Tourche fut construite peu après la première guerre mondiale dans le but d’accueillir les troupes accomplissant leurs obligations militaires dans la région de Dailly. Cette construction au confort sommaire était propriété de l’armée Suisse et faisait partie de tout un complexe comprenant une autre cabane dans la région de la Croix de Javerne, des baraquements de Rionda, dont 3 sont encore visibles à ce jour, la cabane du Demècre, celle de Fenestral et de quelques abris sur la Grande Vire, dans le flanc Sud-Ouest des Petite et Grande Dent de Morcles.

Derrière la barrière des hauts des Martinaux, le chemin carrossable continue. En pente douce et régulière, il est très confortable pour les jeunes et les petits qui nous accompagnent aujourd’hui et aussi pour ceux qui doivent les porter de temps à autre. Le chemin serpente, fait quelques virages qui offrent l’opportunité de découvrir naturellement en marchant le large panorama du bout du lac, les lignes successives des sommets qui vont du fond de la vallée du Rhône jusqu’au Jura neuchâtelois. Cherchant un raccourci, Kalista découvre dans un creux du talus herbeux une sorte de monstre préhistorique, un minuscule crocodile noir brillant, ou quelque chose d’approchant, que l’on identifiera faussement comme étant un triton mais qui, après quelques recherches, s’avère être une salamandre noire (salamandra atra atra, présente dans les Alpres vaudoises entre 800 et 2000m, source www.karch.ch).

Depuis l’alpage du Crêtelet à 1949m, on quitte la pente régulière et douce du chemin pour prendre la diagonale dans la pente herbeuse, en direction de la Croix de Javerne, jusqu’à atteindre l’arête et puis, en quelques minutes ensuite, la cabane de la Tourche à 2198m. L’endroit est tellement suspendu, vertigineux même, qu’il laisse l’impression que par un pas de travers on pourrait se retrouver à tomber dans le Rhône à St-Maurice, 1800m plus bas. Pour certains d’entre nous, l’endroit est une réelle découverte ; alors que pour d’autres, déjà venus là en hiver ou en été, c’est un plaisir renouvelé. La vue est magnifique.  Cette position très haute, totalement dégagée et parfaitement alignée dans l’axe du lac, en fait un point de vue exceptionnel.

Après un pique-nique convivial, le petit groupe va se scinder en deux. Les plus petits vont redescendre sur les Martinaux par le large chemin carrossable, alors qu’un petit nombre, plus aguerri, choisit de rallier Frenières-sur-Bex dans le vallon de L’Avançon. C’est une longue marche qui reprend la crête herbeuse qui rejoint la Croix de Javerne, continue sur les chalets de Javerne et laisse Euzanne à main droite pour plonger dans le vallon par la forêt. On manque de peu l’embranchement après Javerne et c’est à un berger au chalet Le Mazot des Dames, un nom qui valait bien un petit détour, que nous devrons de retrouver notre chemin. Il nous indique un point de liaison, en bas de son pré pentu, pour rejoindre le chemin creux en forêt, défoncé par le passage des bovins. Prisca y salira quelques peu ses chaussures trop basses. Ma foi, il est des leçons qui marquent, le cuir d’abord, le fond de culotte parfois et l’amour-propre aussi un peu.

Sous un soleil puissant, le cheminement sous les frondaisons est un véritable régal, comme la bière rafraichissante sur une terrasse à Bex avec l’accompagnement inattendu d’un rocker local.

J’n’ étais encore qu’un enfant de chœur, que j’avais déjà mon cœur de rockeur. J’n’ aimais pas beaucoup l’école, j’ne vivais que pour mes idoles, yeah, yeah, yeah.