Fort en math, se basant sur un théorème abscond qui démontre que, pour une distance donnée, les plus petits font plus de pas que les plus grands, Julien avait proposé une balade accessible à tous, en particuliers à tous ceux que les longues traversées vertigineuses rebutent, à ceux qui ont les genoux qui couinent, les pieds plats, les jambes trop courtes ou le sommeil trop profond pour pouvoir se lever avant l’aube. La jolie balade de 4.6km, aller et retour, le long du grand bisse de Vex entre Veysonnaz et les Mayens-de-Sion est toute plate et convient bien à ceux qui veulent promener leur progéniture en pousse-pousse ou leur grand-père en chaise roulante, même si, bien qu’ayant atteint ce statut, je n’en suis pas encore tout à fait là.

Le bisse aurait été construit en 1453 et fut abandonné en 1971. Cependant, grâce à un comité et un bel enthousiasme, on peut à nouveau profiter de cette jolie randonnée avec de l’eau sur la totalité du parcours. L’itinéraire traverse une région rêveuse au-dessus de la vallée où la beauté de la forêt ne connait pas les saisons. Les petites clairières rencontrées ici et là, la quiétude de l’ombrage et la soudaine vue, dégagée sur la large plaine, remplissent d’aise chaque observateur.

Notre petite équipe s’engage sur le sentier qui borde le petit canal. Les gosses jettent quelques feuilles et brindilles et s’amusent à les suivre, s’enthousiasmant quand un petit remous accélère le déplacement, mais se désespèrent et tempêtent quand, stoppé net une herbe vaillante ou une petite racine rebelle, leur radeau reste en rade. Tout au long du parcours en sous-bois, la pente du bisse est tellement faible que le courant est d’une exaspérante lenteur, à tel point que même le petit Sylvain, du haut de ses seize mois, parvient à distancer les navires. Aussi, notre petite troupe est bien lente ce jour-là, déambulant doucement, s’arrêtant pour attendre, cherchant aussi quelques raisons de charger ce petit monde sur les épaules. Une allure tranquille, jusqu’à la découverte de Jules. Jules est une sorte de voilier à fond plat, la coque en forme taillée dans une plaque de polystyrène jaune, bien trapu, avec son nom marqué sur son pont. Echoué sur une petite pierre, il n’attendait que les cris des petits pour se remettre en route, pour passer quelques légers rapides, flâner plus qu’il n’est raison sur les longs plats, avant de disparaitre dans le tunnel de la route, laissant Ellowenne pantoise devant cette perte qui pourrait changer le cours sa vie.

La chaleur étouffante de cette journée, ajoutée à la lenteur de notre progression, semble nous assommer. On est loin de cette vivacité qui nous fait bondir par-dessus les torrents, sauter de pierre en pierre ou glisser sur les névés dans la fraicheur tonifiante de l’altitude. Ici, on se traine un peu, indolent, engourdi par le cagnard, mu par la seule pensée d’une terrasse ombragée et du rafraichissement à venir.