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Après le déplacement de la course du Rogneux vers le Grammont, pour cause de cabanes encore fermées, le rendez-vous du weekend avait une atmosphère un peu particulière ce samedi. Pour des raisons pratiques et de proximité, nous avions choisi de nous retrouver dans le parking du McDonalds de Villeneuve en début d’après-midi. Là, alors que nous succions tous une glace sous un soleil de plomb, l’ambiance ne respirait pas vraiment la montagne. Nul piolet ou corde, ce jour-là, et nul empressement non plus. Cette première sortie famille devait nous amener simplement au Lac Tanay et le lendemain au Grammont. Alors nul ne poussait pour quitter la convivialité de l’instant et s’en aller affronter la montée en altitude sous la chaleur.

L’avantage du jour était en effet constitué par la proximité de notre point de départ. Le hameau du Flon, au-dessus de Vouvry, ne se trouve qu’à quelques minutes de route de notre lieu de rencontre et de là, rejoindre le Lac de Tanay, même par le détour de Mies ne représente que deux heures d’effort, trois en flânant et s’arrêtant à chaque fleurette ou pour admirer les gros escargots de Bourgogne. Aussi, c’est sans hâte que nous nous mîmes en route, abandonnant nos véhicules à l’entrée du Flon et revenant quelques centaines de mètres en arrière, à l’orée du village de Mies. Là, un chemin carrossable, très raide, se faufile dans la forêt. Il rallie tout d’abord les quelques chalets du haut du village, puis s’enfonce dans le couvert de verdure et gravit progressivement la face abrupte de la montagne. Il fait un long détour au loin, avant de revenir, haut au-dessus du village, et de rejoindre une crête étroite, donnant sur les deux versants. L’un, comme une fenêtre sur le Léman, laisse voir dans les trous de brume le panorama de Villeneuve à Vevey, alors que l’autre, dans notre dos, ouvre sur le Chablais, Monthey et la Petite Dent de Morcles. Ensuite, après une longue traversée à plat, dans les hautes herbes et au-dessus de quelques barres rocheuses, on atteint la route, juste avant le col et le lac.

Tanay, c’est un petit paradis, beau comme un tableau de Monet, entouré de prairies recouvertes de fleurs alpines, de hauts sapins et de montagnes aux rochers noirs. Ce petit lac de montagne, aux couleurs mélangeant autant le bleu, le vert que les nuances sombres, est l’un des plus beaux lacs alpins de la région et à l’Auberge de la Vouivre, faisant mentir son nom repoussant, l’accueil est charmant, l’atmosphère conviviale et la cuisine délicieuse. Ainsi, la chaleureuse salle boisée fait notre bonheur, alors que dehors les vannes célestes se sont ouvertes et arrosent abondamment les environs et toute la Suisse romande aussi, semble-t-il. En raison de la configuration de l’environnement, l’ambiance de Tanay est assez particulière, hésitant entre bucolisme et austérité. Bien qu’en dehors de toute vue sur la plaine, le côté charmant de l’endroit est une évidence, avec l’image reposante du lac, un ou deux pêcheurs et les quelques vaches qui font tinter leurs sonnailles non loin des chalets coquets. Cependant, qu’une averse survienne, assombrissant le ciel et rafraichissant l’air, alors l’isolement du lieu et l’étroitesse de l’espace, enserré de toutes parts entre les hautes parois verticales, se fait immédiatement ressentir. Le petit paradis se transforme en une fosse, sans issue autre que de se plonger dans la convivialité traditionnelle d’une bonne fondue et d’un flacon de fendant.

Le matin est déjà bien entamé et le soleil haut alors que nous mettons sans hâte nos nez dehors. Cette courte ascension au départ de Tanay offre l’avantage, à l’opposé des rudes courses du Valais central, d’une belle randonnée proche de chez nous, abordable pour les plus jeunes et les montagnards peu entraînés. A peine sorti des limites du hameau, le sentier s’enfonce dans une forêt dense et luxuriante, dont la grosse pluie de la nuit a ravivé les couleurs. A cette période de l’année, la nature est à pleine maturité. Les herbes sont assez hautes, vigoureuses et les fleurs juste magnifiquement épanouies, sans pétale fripé,  sans aucun brin sec. Ainsi, les églantiers rouges et roses garnissent les derniers talus ombragés, avant de faire place aux anémones pulsatiles, à la centaurée des montagnes et aux gentianes bleues. Dès la sortie de la forêt, un peu plus d’une heure après le départ du refuge, on distingue déjà le col des Crosses au pied des deux Jumelles. Le chemin caillouteux, bien que carrossable, zigzague raide et régulier dans le long flanc herbeux, jusqu’à atteindre le replat de l’alpage supérieur du Pêcheux, juste à la limite des 2000 mètres. De-là, la vue plein Nord est plongeante sur le Léman à travers une fenêtre dans la brume, bordée des arêtes du Grammont et de la Chaumény. Le sentier qui longe de près la frange herbeuse, découpée en festons sur le vide vertigineux, rejoint rapidement le sommet marqué d’une croix de bois.

La brume et les nuages plus haut jouent avec nos nerfs. Tombera, tombera pas ? Quelques gouttes feront bien mine de nous faire perdre notre pari de sortie ensoleillée, peine perdue. Même de retour à Tanay, bien que quelques gouttes nous remettront rapidement en chemin, bien couverts pour quelques instants, mais e sera nous mieux nous découvrir peu après.

Capricieux, le temps aura tenu ses promesses les plus audacieuses, nous permettant une jolie course d’entrée en matière.