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Le souvenir ensoleillé et poudreux d’une édition passée nous ramène aux Martinaux, un petit coin isolé et pentu, accroché à la montagne au-dessus du resserrement du Rhône comme un balcon suspendu. Fidèle à sa tradition et à son engagement envers les familles, le Club prend à cœur chaque année de mettre sur pied une sortie conviviale destinée principalement aux enfants. L’objectif est surtout de permettre à chacun d’éprouver un maximum de plaisir dans la neige, au travers des rencontres, par le jeu des retrouvailles et dans la jouissance d’un lieu accueillant.

Les Martinaux, chacun voit cet espace blanc, aligné sous la Petite Dent de Morcles lorsque qu’on roule en hiver vers le Valais. C’est avant tout un espace oublié entre plaine et ciel, là où seuls les Dieux et les aigles portent leur regard. Les premiers sont priés par les chanoines de l’Abbaye de St-Maurice de préserver de la chute et des pierres les bergers et leurs bêtes, alors que les rapaces veillent sur les maladroits, appliquant le dicton qui veut que le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les Martinaux c’est aussi le domaine de l’armée qui a édifié depuis Napoléon un vaste réseau de protections autour de l’étroit défilé de St-Maurice. Le dispositif sera développé par le général Henri Dufour, puis formidablement renforcé sous l’impulsion teutonne du méchant petit moustachu hystérique et devenu hélas historique aussi. Cédant à une vision plus contemporaine des besoins de la défense, les sites de Savatan et de Dailly cèdent progressivement la place aux civils ; les refuges d’altitude étant pris d’assaut par des sociétés de ski locales ou des sections du CAS, pour le plaisir de chacun.

Faut un rude effort entre nous Pour la suivre de bout en bout; Tout de suite on se décourage, Car, au lieu de prendre au plus court, Elle fait de puissants détours, loin des pintes, loin des villages. Elle se plaît à traînasser, à se gonfler, à s’élancer Capricieuse comme une horloge, Elle offre même à ses badauds Des visions de Colorado !

Reprenant à son crédit les paroles que Jean-Villars Gilles dédiait à la reine de nos affluents lémaniques, la route qui mène aux Martinaux nous donne le tournis et la nausée à chaque virement de bord, jusqu’à nous offrir la vision de ses à-pics à elle. Dominant de mille mètres une civilisation en plein carnaval et s’approchant vingt-neuf fois, à un faux pas près, du paradis ou de l’enfer selon le karma de chacun, elle ne s’arrête qu’à la limite des arbres, des rocs et du vide. Pas étonnant que jusqu’alors, seuls les bergers et les militaires n’y soient montés. Les Rocans , du nom donné aux les habitants de Lavey pour leur façon de rocanner un bol de soupe des Bellerins avant de s’en retourner du culte, désireux de jouir des avantages de cette haute terrasse, reprennent dans les années cinquante la bergerie centenaire de l’alpage. Progressivement, leur ski club la transformera jusqu’à nous y offrir ce weekend un confort convivial et rustique, agrémenté d’un accueil chaleureux, parfaitement en harmonie avec nos propres valeurs : loin du monde mais près des cœurs.  On n’est alors qu’à deux doigts du pur bonheur. Le soleil, qui rayonne faiblement entre les nuages, gouleye dans les verres, réchauffe les cœurs et comble le premier doigt d’espace ; alors que pour le dernier, il faudra repasser une autre fois. En effet, s’il y a quelques jours, la neige tombait en abondance à Orgevaux et sur le Jura, il apparaît que dans les Préalpes les chutes furent limitées et suivies  de foehn. Aussi, malgré l’ombre matinale des Dents de Morcles, la faible couche se transforme, se croûte et ne reste poudreuse que sous quelques arbres. On ne peut décidément pas tout avoir.

Néanmoins, chacun à son rythme, de 7 à 77 ans, skie et « rie », raquette et caquette, peaute et faute. Il y en a pour tous les goûts, tous les niveaux et de toutes les couleurs.

Sans doute l’homme est-il le maître de son destin ;
il n’est pas le maître du chemin qui y mène.
[Jean Ethier-Blais 1925-1955].