Quand les couleurs du coteau de Lavaux virent au jaune et que tombent les premières feuilles, nous avons pour habitude de nous retrouver entre amis du club au chalet pour un weekend de rudes labeurs.

Contrairement aux bateaux qui hibernent à terre dès les premières pluies d’automne et jusqu’au retour des beaux jours, le chalet garde son usage même quand il gèle à pierre fendre. Il faut du bois pour alimenter la cheminée et le fourneau ; il faut des fenêtres limpides, pour y voir se former les étoiles de givre ; il faut des couvertures aérées pour assurer nos sommeils profonds. Et pour les caves aussi chacun se met à l’ouvrage, car il faut de la place pour rentrer la proche vendange.

Les nuages étaient bas sur nos têtes, masquant les crêtes des Dents du Midi et le Valais plus loin. Dans notre dos, la brume courrait sur la pente à l’assaut du Folly, laissant quelques espaces dans lesquels plongeaient des rais de lumière. Sur le lac sombre, des bandes irradiaient ça et là entre les averses, contrastant violement l’onde grise sous le ciel chargé. Sur sa crête effilée, le palace de Caux se donne des airs de conte de Perrault, imitant dans la brume le destin troublant du château de la Belle au bois dormant.  » L’endroit est un des plus beaux qu’on peut trouver, saint et inaccessible, un digne temple pour l’ami divin qui a apporté le salut et la bénédiction au monde.  » (Extrait d’une lettre de Louis II de Bavière à Richard Wagner, mai 1868. Source Wikipedia).

L’automne – Charles Baudelaire (extrait)

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J’entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l’hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu’un bloc rouge et glacé.

J’écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L’échafaud qu’on bâtit n’a pas d’écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu’on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? – C’était hier l’été ; voici l’automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

Michel Roch