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Sur les traces de la Catillon

Le brouillard glaçant de ce matin-là laissait présager la lourde atmosphère de notre randonnée sur les vestiges des légendes de la Gruyère. Passé les hauteurs ensoleillées de la Veveyse, la route plongeait dans une moiteur inquiétante et lugubre, que les puissants phares de nos véhicules ne perçaient qu’approximativement. Dès lors, personne ne se serait étonné de voir surgir de ces limbes évanescentes des chevaliers en armure, des chasseurs en habit de peau, plume au chapeau et carquois en bandoulière, alors qu’au loin retentissait un étrange et inquiétant appel guttural, accompagné du son profond d’un cor. Il naissait en nous le sentiment d’un égarement total, comme le passage au 8ème niveau d’un jeu inconnu. Ô-ba, Yô-ba, Poor aryâ…

Prudent et responsable, Denis, notre chef de course du jour choisit de nous faire échapper au feu d’un enfer vraisemblable, en prenant lentement de la hauteur. Dans la lumière diffuse et moite, dans le décor flouté des monts et vallons blafards, nous échappions aux sorts maléfiques, regagnant la lumière, retrouvant une transparence vivifiante. Vraiment ? Une multitude de cerfs de Noël retardait notre folle échappée, nous faisant à nouveau douter de notre destination, sinon de notre destinée. Quel étrange chemin.

Le chemin des Ecoliers s’enfonce dans une forêt magique. En route, on croise le Chat Botté et le Petit Chaperon rouge de Maître Charles Peyrrault, avant de parvenir épuisés mais heureux à la tour de guet du lieu. La bâtisse, qui s’élève jusqu’au ciel qu’elle perfore d’une longue flèche rougeoyante, est équipée d’un interminable et vertigineux escalier en colimaçon, effrayant et verglacé, qui conduit au-delà de la cime des arbres, jusqu’aux nuages, peut-être même jusqu’aux étoiles. Plus loin, dans les profondeurs elfiques du bois, les morilles dépassent les arbres, le charmeur de serpent redresse les cuillères malmenées par l’esprit d’Uri Geller. Le nain géant Simplet veille sur un monde bizarre : une tronçonneuse travaille toute seule alors qu’un caméléon immobile darde son regard de reptile globuleux vers un hibou grand duc.

Un monde étrange et inquiétant auquel nous échappons finalement, fourbus, mais saufs. Ou alors…
N’aurions-nous que franchi la porte d’un nouveau monde ?

Légende de la Gruyère

Catherine ou Catillon Repond surnommée la Touâscha ou la tordue, à cause d’une une bosse qui la signalait à l’attention publique, naquit le 18 août 1663 et vécut avec ses deux soeurs à Villarvolard, dans la maison paternelle. Sans fortune et sans éducation, elle atteignit l’âge de quarante ans sans découvrir de mari. Des faits marquants la rendirent célèbre.

Un jour, un violent orage éclate autour du Moléson. Le ciel s’est empourpré des lueurs d’un vaste incendie, Sarine, Albeuve et Trême, tous les torrents semblent rouler de flots de flammes. Bientôt une trombe déracine mille arbres, emporte vingt chalets et s’en vient expirer contre les rochers du Pré-de-l’Essert. Pendant que toute une population désolée lutte contre les éléments déchaînés, soudain le sommet du Moléson apparaît sous l’aspect d’un volcan et l’on voit Catillon s’agiter joyeuse dans un tourbillon de nuages enflammés. Elle n’est pas seule : d’affreux démons lui font escorte. Tous, sur le versant de la montagne, s’acharnent des pieds et des mains contre un énorme rocher. Enfin un bloc énorme se détache, roule à travers le pâturage du Petit-Moléson, écrasant les plus belles vaches, continue à bondir et à rebondir, lorsqu’enfin la main du Seigneur l’arrête et lui fixe une limite qu’il ne pourra jamais franchir. La Pierre-à-Catillon est encore là, entourée de jeunes sapins et reconnaissable à des figures en relief qui en ornent les parois : ce sont les empreintes laissées par la sorcière et par ses compagnons infernaux. Elle a même une fois déclenché un ouragan et la foudre est tombée sur le clocher de l’église d’Avry-devant-Pont ! Le lendemain matin, quand l’ouragan a passé, on a trouvé le coq de l’église dans le poulailler de la cure ! Catillon avait des pouvoirs surnaturels. Un jour, elle a fait courir des chasseurs dans le Gibloux. Elle s’était métamorphosée en lièvre et ce n’est que la nuit tombée qu’elle reprit sa forme humaine, sans jamais avoir été inquiétée par lesdits chasseurs.

Catillon fut jugée pour sorcellerie et brûlée le 15 septembre 1731, au Guintzet, à Fribourg. Elle fut la dernière victime des superstitions populaires.

Source : La Gruyère.ch – Au pays des Légendes de La Gruyère

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